Sur les pistes du Mont Lozère et de l’Aubrac

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Jeudi 26 Mai
De Villefort au Mas de la Barque (Mont Lozère)

Cette fois, c’en est bien fini des petites routes qui lézardent au soleil de Haute Provence ou des Cévennes. Celle qui monte au Mas de la Barque, sur les pentes des Monts Lozère, ne fait que 13 kilomètres, mais pour gravir 750 mètres de dénivelée. Je ne suis pas ici cependant pour glorifier les exploits (très laborieux) de mes vieux mollets.

Pourquoi donc s’acharner à monter si haut ? Certainement pas pour m’attendrir sur les vestiges de ce qui fut dans les années soixante une station du Plan Neige, pilotée à grands coups de deniers publics par les départements du Gard et de Lozère ! Aujourd’hui, il ne reste rien des douze téléskis et des cinquante canons à neige, la station de ski est devenue ce qu’elle aurait toujours dû se contenter d’être, une station de pleine nature vouée à la randonnée, au ski de fond et au VTT, et c’est bien mieux ainsi.

De magnifiques gîtes à louer, une auberge qui tient plutôt du refuge de montagne, une antenne du Parc national des Cévennes, cela produit bien plus de bonheur intérieur brut que tous les paradis de l’enneigement artificiel. Et c’est pour cela que je tenais à y monter. Le cadre, une vaste clairière ouverte sur des tourbières et entourée d’une hêtraie relique des anciennes forêts du Mont Lozère, évoque pour moi certains paysages du Canada ou d’Europe du Nord. J’y ferai l’après-midi une très belle balade…

Malgré la dureté de l’ascension, je ne regretterai jamais d’avoir commencé ma traversée du Massif Central par le Mas de la Barque. Et le jour suivant allait me conforter dans ce choix au-delà de mes espérances….

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Vendredi 27 Mai
Du Mas de la Barque au village de Brenoux (à côté de Mende)

C’est qu’au départ du Mas de la Barque une piste pastorale court sur le versant Sud du Mont Lozère, reliant quelques hameaux du bout du monde, Bellecoste, le Mas Camargue, l’Hôpital à travers d’immenses espaces de pâturages et de forêts, avant de rejoindre le Tarn au Pont de Monvert.

Il faisait grand beau temps. La floraison des genêts tapissait de jaune des pans entiers de montagne. Je n’ai croisé que deux randonneurs étonnés de me voir pédaler là, un troupeau de vaches en goguette pas plus étonnées que ça, elles, et enfin leur vacher inquiet, lui, de savoir pourquoi ses vaches étaient subitement parties chercher leur bonheur ailleurs…. A ce détail près, il régnait ce matin-là une harmonie qui me faisait pédaler si allègrement que je décidais l’après-midi d’imiter l’exemple de mes copines aux grands yeux doux, et de sortir moi-aussi des routes trop battues, (même si sur la D35 on ne compte que deux ou trois voitures à l’heure aux horaires de pointe).

Avant d’atteindre le col de Montmirail, lieu de perdition qui me condamnait aux affres d’une route nationale, je pris donc discrètement la tangente sur une petite route, laquelle se transforma rapidement en un chemin de terre et de pierres dont un panneau d’interdiction déconseillait d’ailleurs ostensiblement la fréquentation. C’est ainsi que mi-roulant, mi-marchant, je descendis les gorges ombreuses et verdoyantes du Bramont. Comme quoi un brin d’excentricité ne nuit point forcément à la félicité d’un voyage, bien au contraire.

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Dans le petit village de Brenoux m’attendait Françoise, mon hôtesse Warmshowers du soir. Est-il encore nécessaire de dire que ce fut une soirée simple, directe et sans chichis, pleine de nos souvenirs de voyages respectifs. Françoise a parcouru toute la vélo – route E6 de l’Atlantique à la Mer Noire…

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Samedi 28 Mai
De Brenoux au gîte des Rajas (au sommet de l’Aubrac)

La gardienne des Rajas m’avait bien mis en garde : « Mende, c’est très loin! Surtout, partez bien tôt ! ». Évidemment, je n’en fis rien. Je savais que l’étape commençait par descendre la vallée du Lot sur une trentaine de kilomètres, avant d’attaquer la montée au col de Bonnecombe. Et 750 mètres de dénivelée ne me faisaient plus vraiment peur…

Ce fut donc une belle étape sans histoire, dans des paysages moins sauvages et plus humanisés que la traversée des Monts Lozère. Jusqu’à l’embranchement indiquant la direction des Rajas, deux kilomètres à peine sur l’autre versant du col. C’est ici en effet que commença l’aventure…

D’abord un bon kilomètre de montée sur une piste pastorale caillouteuse au possible, histoire de se réveiller un peu. Ensuite, une mare boueuse à franchir – barrant toute la piste -, le vélo immergé dans l’eau brunâtre et son propriétaire essayant désespérément de rester sur la rive et ne pas rejoindre son deux roues. L’obstacle surmonté, de la colline, on aperçoit enfin le gîte au loin, blotti au milieu des pâturages dans un écrin protecteur de gros rochers ….au pied d’une descente plus pentue encore que la montée précédente et dans un état de viabilité à côté duquel cette dernière serait passée pour une autoroute.

Coup de blues et bouffée de colère. J’en veux à la gardienne de ne m’avoir rien dit. J’envisage même un moment de tourner casaque et de repartir chercher un autre hébergement. Mais Nasbinals est à plus de 17 kilomètres, nous sommes un Samedi soir et j’ai déjà avalé la montée…. Et puis, tout un coup me vient l’idée que ce parcours est exactement ce qui m’attend sur les pistes de Patagonie, et que rien ne m’autorise donc à râler et à pleurnicher ….Je me lance donc dans la descente, accomplie pour l’essentiel à pied, tout en pensant au trajet retour du lendemain….

Tout en bas, au moment de toucher de la roue le Saint Graal, me guette encore l’ultime obstacle : le ruisseau. Une passerelle de deux gros rochers permet aux randonneurs de passer, mais elle est bien trop étroite et risquée pour un cycliste et son vélo chargé. Il ne reste plus qu’à se nouer chaussures et chaussettes autour du cou et à passer à gué avec la bécane à la main. J’ai de l’eau jusqu’aux genoux et le vélo jusqu’au milieu des sacoches, mais au moins elle est fraîche et claire.

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C’est ainsi que j’atteignis le buron des Rajas et son inoubliable gérante, qui déclara à mon arrivée : « j’espère qu’il ne va pas pleuvoir, sinon la traversée du ruisseau deviendra impossible ». Une heure plus tard l’orage arriva et dura toute la nuit…. Cette soirée aux Rajas, partagée avec un groupe de randonneurs vraiment sympas, fut absolument mémorable du début à la fin. Mais pour la fin, ce sera demain, si vous le voulez bien….

Laisser le rêve ouvrir la route…

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Lundi 23 MaI

De Velleron à Saint Remeze (gorges de l’Ardeche)

Après une journée entière de repos chez mon frère (merci Antoine et Annette), il ne me reste plus qu’à franchir le Rubicon, qui, en Comtat Venaissin, s’appelle le Rhône. Et contrairement à la légende qui en fait un exploit, ce n’est rien que du bonheur. Les routes sont parfaitement plates et on peut y faire toutes les demies heures la course avec un TGV. La seule côte sérieuse est celle des vignobles de Chateauneuf du Pape (ou je m’arrêterai évidemment boire ….un cafe). Le pont sur le fleuve offre une vue inoubliable et romantique sur la centrale nucléaire de Marcoule. Que pourrait demander de plus le petit peuple cyclotouriste ?

C’est sûrement au moment où je m’emm…. paisiblement et où je me demandais ce que je foutais la que m’est brutalement venue l’idée d’abandonner l’itinéraire prévu et d’aller visiter la grotte Chauvet, a côté de Vallon Pont d’Arc, dernière découverte majeure de l’art de la préhistoire. De toute façon aucun de mes contacts Warmshowers ou Couchsurfing n’avaient daigne me répondre. J’étais donc parfaitement libre.

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C’est ainsi qu’à six heures du soir, au terme d’une étape de 90 kilomètres, pénétré de millions de particules fines et tout poisseux de vapeurs d’essence, j’échouais dans un camping à Saint Remeze, dernier village avant la fameuse grotte (ou plutôt, comme à Lascaux, avant son fac-similé ).

Un camping, pour moi, c’est une solution de substitution à Warmshowers, en mille fois pire. Un dix mètres carré de pelouse et une douche chaude pour 8 Euros, au milieu de gens qui s’emmerdent dans leurs bungalows ou leurs caravanes et regardent ma petite tente comme aussi incongrue ici qu’un chapiteau de cirque…. Ne soyons pas ingrats: il y avait aussi des bières et la Wifi…. À toute chose, malheur est bon !

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Mardi 24 Mai
De Saint Remeze à Banne

Les peintures de la grotte Chauvet ? Une splendeur qui nous questionne, car bien que deux fois plus anciennes que celles de Lascaux, elles sont tout aussi belles. Pour le reste, une usine a 1000 touristes par heure (et j’y fus a une date et à une heure de basse fréquentation). Une guide qui dévide trop sagement son baratin et prend soin surtout de les distances avec le groupe suivant. Des casques vissés sur les oreilles qui empêchent tout dialogue et déshumanisent la visite (autant faire des visites libres avec dès audio-guides). Une galerie des Aurignaciens qui, elle, est en visite libre, mais avec une débauche technologique de moyens vidéos. C’est du culturel à consommer, privé de tout échange humain… Finalement, l’Aurignacien local qui aura été le plus humain ce matin-là , sera le vigile qui, bravant tous les interdits du plan vigie-pirate, m’ouvrira les portes de la consigne devenue inutile pour y abriter mon précieux vélo.

Après cet intermède touristique, retour au voyage.
Je m’étais promis de passer par un tout petit village ardéchois, Bessas, pour y revoir celui et celle qui, pendant mes longues années grenobloises, furent à la fois des amis et des parents de substitution, ceux chez qui on pouvait s’inviter le soir, ceux qui m’ont aidé patiemment a trouver ma voie montagnarde au milieu de tous les doutes et de tous les possibles. Jean – mon professeur d’escalade et d’alpinisme – et Claudette Giroud furent ceux-là . Ils n’étaient hélas pas dans leur maison de Bessas lors de mon passage. Je le savais et j’ai tenu pourtant à passer par ce petit village entoure de vignes. Ma façon à moi de rendre hommage à ce couple d’amis exceptionnels.

Ce que j’avais oublié, c’est que le petit col qui domine le village, le col de la Serre, cache derrière son altitude débonnaire (371m) une bonne montée à 11%. C’est parfois terriblement exigeant, le culte de l’amitié…

En soirée, fourbu, j’atteins le très beau village perché de Banne. Au pied de la côte qui y conduit un panneau « Auberge de Banne » m’avait alléché… Ce qu’hélas le panneau ne précisait pas, c’est qu’il s’agissait d’un hôtel 4 étoiles, interdit aux routards de mon espèce. Je perdis ensuite une heure à trouver les deux chambres d’hôtes de la commune ….pour me rendre compte que leurs propriétaires respectifs étaient absents.

Il ne me restait plus, la queue basse, qu’à reprendre la route. La D251 ressemble davantage à une étroite route communale qu’à une vraie départementale. Discrète, elle se glisse en serpentant au milieu d’un plateau de lapiaz couvert d’un maquis très dense qui évoque le célèbre bois de Paiolive, juste a côté des Vans. A cette saison, ce maquis de chênes-verts est en pleine floraison et ce parcours fut un véritable enchantement, après les désillusions de Banne. Je me suis enfoncé loin le long d’une piste forestière, avant de planter mon second bivouac du voyage au milieu des fleurs sauvages…

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Mercredi 25 Mai
Du plateau de Banne à Villefort par le col du Peras

Je suis reparti le lendemain sur les petites routes enchantées des contreforts des Cévennes, celles où l’on passe insensiblement des chênes verts aux pinèdes et aux châtaigneraies. Le filtre de beauté distillé par Merlin devait être si puissant, ce matin-la, que lorsque je me suis rendu compte que j’avais loupé le bon embranchement, il était déjà bien trop tard pour faire demi-tour. Il ne restait donc plus qu’à improviser mon itinéraire du jour… C’est ainsi qu’un petit village perdu dans la montagne, Bonnevaux, m’attira en me promettant la découverte d’une abbaye, dans mon esprit forcément cistercienne et romantique. Au terme d’une rude ascension, il s’avéra que l’abbaye – si elle existe – est aujourd’hui un domaine privé, mais que le village abritait une merveille d’église romane? Aux murs ornés de curieuses têtes sculptées. Et puis il y faisait si bon et si paisible que cela valait bien toute la rigueur de l’ascèse cistercienne…

C’est ainsi, en lâchant prise devant les imprévus et en laissant peu à peu mes rêves ouvrir ma route que je suis arrivé à Villefort, ce bourg sans charme qui marque pour moi la frontière exacte entre le « Midi » et le Massif Central, entre le monde des collines et celui de la montagne. Ici se terminait la seconde étape de mon périple sur la rive droite du Rubicon…

Pèlerinage à la Mecque des cyclistes

imageDimanche 15 Mai
Sauze – La Penne par les cols de Félines et du Trebuchet

Depuis ma virée au Canada, descendre au petit matin de Sauze à Entrevaux est devenu comme un rituel rassurant, gage de succès pour mon nouveau challenge : traverser la France en oblique en musardant le long des plus petites routes.
A Entrevaux, me voici au pied du mur. C’est le cas de le dire car les cinq cent premiers mètres vers le col de Félines frôlent allègrement les 14%… De quoi renforcer mes doutes et mon appréhension… Heureusement, la route devient ensuite plus raisonnable et plus régulière, me permettant de triompher sans trop de mal dans mon duel d’altitude avec la fameuse citadelle.
Ce premier col donne accès à l’un de ces vallons reculés et verdoyants dont les montagnes de l’Esteron cultivent le secret. Il porte le nom de Val de Chavagnes, mais on a plutôt envie de dire « Val de Cocagne » tant cette opulence printanière de verdure paraît insolite au cœur de nos Préalpes Méditerranéennes…
L’ascension du second col sera nettement plus laborieuse, mais connaîtra un final inattendu, mon arrivée au sommet déclenchant une ovation d’encouragement. Je m’aperçois alors que je suis à contre-sens d’un rallye cycliste dont le col du Trébuchet est l’un des points de contrôle et de ravitaillement.
Après cette arrivée triomphale promise à la postérité, la suite sera heureuse et belle. Et même si la maison de mes amis Mari-Luz et Ghislain se juche au sommet d’un terrible raidillon, la soirée passée avec eux apaisera un peu mes appréhensions concernant l’étape du lendemain. Ghislain m’entraîne vers ce qui est sa passion : ce jardin dont il fait un vrai terrain d’expérimentation horticole (un chercheur scientifique, même retraite, ne peut se passer de faire des expériences ). Nous finissons la soirée à l’auberge de la Penne. Comment remercier assez ces militants historiques des Verts, de ceux qui non seulement, sans de décourager, restent fidèles à leurs idées, mais essayent aussi de les mettre en pratique dans leur vie ?

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Lundi 16 Mai
La Penne – Andon par les cols de Pinpinier, de Bleine et de Castellaras

L’une de ces étapes qui résument tout le bonheur de pédaler dans les vallées méconnues de l’Esteron : de très beaux villages perchés au bout du monde (Cigale, Aiglun, Le Mas), des traversées de clues spectaculaires (Riolan et Aiglun), et rien que des petites routes très peu fréquentées y compris un Lundi de Pentecôte… Exactement ce qu’au plus profond mon itinéraire fantasque est venu chercher.

Après, il y a tout ce qui sépare le rêve de la réalité, à commencer par les mille mètres de dénivelée qui séparent le pont du Riolan et le col de Bleine. La, il me faut bien avouer une chose : si mes hôtes d’Andon ne m’avaient pas téléphone en fin d’après-midi pour savoir où je trainais misérablement ma carcasse sur deux roues, jamais je n’aurais tente l’ascension du dernier col à six heures du soir. Cela sert aussi parfois à ça, des hôtes Warmshowers ! Ne voulant pas décevoir l’attente de ces gens qui m’espèrent sans pourtant me connaître, j’ai puisé un bon coup dans mes ressources pour arriver à sept heures passés au pied de leur belle maison. Au-dessus de la route, depuis la maison, Agnès me guettait, craignant que, dans mon élan, je ne dépasse leur demeure…

La soirée passée chez eux résume tout ce qui donne son prix – et ceci sans le moindre rapport financier – a Warmshowers , ce réseau Internet entre cyclistes voyageurs : un accueil chaleureux, bien sûr, mais aussi une complicité d’expériences et d’intérêts ou plutôt une vision du monde commune dont l’humanisme pratique au quotidien serait le carburant principal. Nous allions nous apercevoir un peu plus tard que six mois avant, à quelques jours d’intervalle, nous avions héberge le même cycliste néerlandais …. Quarante kilomètres à peine nous séparent à vol d’oiseau, mais sans ce réseau Internet, jamais nous ne nous serions rencontrés…

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Mardi 17 Mai
D’Andon aux Louches (gorges du Verdon) …sans le moindre col !

Adieu, l’Esteron et bonjour le Verdon ! Pas question de céder cependant aux sirènes touristiques du Grand Canyon ! Je n’effleurerai les chemins de la gloire que sur un peu plus de cinq kilomètres, pour gagner le fameux Point Sublime (devenu un parking-souk a cartes postales et fromages de chèvres). Le matin m’avait vu me faufiler le long de paisibles villages perdus (La Martre, Chateauvieux, Brenon). L’après-midi, c’est encore pire : je me lance sur la D17, qui devait primitivement relier le Verdon a Digne, la préfecture, et qui est l’une de ces rares routes départementales restées à jamais « en jachère ». Autrement dit, cette liaison n’a jamais été achevée et subsiste aujourd’hui à l’état de piste sur environ 14 kilomètres. Autant dire que ce n’est pas la foule sur cette « départementale »…
Il reste que la petite route qui part du village perché de Rougon, au-dessus du fameux Point Sublime, et dont le bitume expire une vingtaine de kilomètres plus loin au milieu d’un troupeau de brebis, est un vrai paradis perdu. C’est la, à côté d’une chapelle, que je planterai ma petite tente pour mon premier bivouac… J’aime cette alternance de soirées solitaires en pleine nature et de rencontres reposant au contraire sur une grande sociabilité.

 

Mercredi 18 Mai
Du hameau des Louches (gorges du Verdon) au hameau des Fons (Digne)

La D17 est sans conteste la route la plus sauvage des Alpes de Haute Provence. Du côté Verdon, entre Rougon et les Louches, 20 kilomètres pour desservir quelques rares hameaux. Du côté Digne, plus de 20 autres entre Majastres (2 habitants à l’année !) et le village de Mezel. Entre ces deux sections goudronnées, 14 kilomètres de piste forestière… J’y croiserai en tout et pour tout un énorme camion transporteur de grumes. A votre bonheur, Messieurs, Dames ! Pour me remettre de toute cette solitude, il me suffit heureusement de quelques kilomètres sur la RN 85 juste avant Digne…

Là, dans un petit hameau a l’écart, au creux d’une vieille demeure amoureusement retapée , m’attendaient Éric et son épouse. L’accueil de ces deux cyclistes voyageurs qui ont pédalé six mois en Grèce et dans les Balkans fut encore une fois plus que chaleureux et réconfortant.

 

Jeudi 19 Mai
Digne – Sisteron par le col de Fontbelle

Pour relier Digne et Sisteron, j’avais pour la première fois la liberté de choisir entre deux itinéraires : passer par les vallées de la Bleone et de la Durance, ou bien par la montagne, en franchissant le col de Fontbelle. Malgré la fatigue des jours précédents et en dépit d’un fort mistral, j’optais – par orgueil – pour la solution la plus difficile. Je ne sais pas si je dois regretter ou non ma décision. D’un côté, l’itinéraire qui passe par les villages de Thoard, Mélan, Authon et Saint Geniez est absolument sublime par les horizons lointains qu’il découvre. De l’autre, l’ascension du col (850 mètres de dénivelé tout de même) fut pour moi une vraie épreuve de force : sur le final, je devais m’arrêter tous les 150 mètres…. Et à cause du vent violent, même la longue descente sur Sisteron ne fut pas réellement une partie de plaisir…
Reste que tout en bas dans la vallée m’attendait la maison d’Anne et de son compagnon, deux enseignants porteurs de valeurs et d’une volonté de changement de mode de vie dont je ne pouvais que me sentir proche…

Vendredi 20 Mai
Sisteron – Les Omerguez (la vallée du Jabron)

Aujourd’hui, plus question de jouer les conquérants de l’inutile ! Je remonte paisiblement cette belle vallée du Jabron qui coule au Nord de la montagne de Lure. Une courte étape que j’ai décidé de clore au pied du col, m’accordant tout un après-midi de repos dans une petite auberge, aux Omergues. Ce fut tout le contraire de la veille : la route me fut douce et le vent caressant. Je pus savourer au passage les croissants délicieux de la boulangère de Noyers sur Jabron, faire mon petit marché local à Saint Vincent sur Jabron, et le plein de tous les commérages des matrones aux Omergues… D’ailleurs mon voisin de chambre s’appelait, je crois, Marcel Pagnol…

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Samedi 21 Mai
Des Omergues à Velleron (Comtat Venaissin) par le col du Negron et les gorges de la Nesque

Un col un peu raide, mais assez court, pris d’assaut de bon matin. Sur l’autre versant, les immensités du plateau d’Albion. Puis la superbe et longue glissade dans les gorges de la Nesque, avant de cheminer au milieu des vignobles. Une longue et belle étape, même si le week-end rameute inévitablement ses foules motorisées en tous genres. Je sacrifie au milieu de dizaines d’autres cyclistes au culte du Mont Ventoux, dont le tour ou mieux l’ascension sont devenus la Mecque des pratiquants du deux roues à pedales. Je ne sais si cette prière sur la route nous vaudra à coup sur le Paradis des cyclistes, mais cela nous laisse pratiquement maîtres de la chaussée, voitures et motos paraissant presque incongrues dans et autour de Sault.