Chez nous, l’hiver montre toujours patte blanche avant d’entrer…

C’est chose faite depuis Jeudi dernier. Les grands cols, dont le notre, celui de la Cayolle, sont donc fermés à la circulation. Mais c’est compter sans un soleil méditerranéen qui s’évertue à repousser le plus longtemps possible les avances de ce gros ours hivernal mal-léché. La route du col se retrouve donc fréquemment à la fois officiellement interdite et cependant entièrement déneigée.

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Pour le cycliste s’ouvre alors le plus beau moment de l’année. Celui où la route lui appartient enfin, celui où le plaisir est décuplé par la transgression de l’interdit, et enfin celui des plus beaux paysages, engendrés par cette transition inexorable mais incertaine entre les fastes colorés de l’automne et le blanc de l’hiver.

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Quelques automobilistes s’y risquent bien aussi, mais la vitesse les prive – le savent-ils ? – d’une multitude d’émerveillements, comme cette simple branche morte, devenue sculpture contemporaine…

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C’est ce plaisir simple et subtil que je me suis offert cet après-midi…

Travelling arrière ou le dernier papillon bleu

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Il y a des moments dans la vie où, comme pour mieux mesurer le chemin parcouru, on ressent le besoin de revenir à son point de départ. Ainsi, l’autre jour, ai-je quitté ma nouvelle maison d’Estenc en marchant à reculons, avec pour but de revenir – sac au dos et par la montagne – au hameau de Villeplane, qui fut, il y a plus de vingt ans, mon premier lieu de résidence dans le Val d’Entraunes.

L’itinéraire qui passe par Sauze dont j’ai squatté longtemps l’une des anciennes chapelles, Saint Macaire (un grand pas en avant vers la sainteté), emprunte des sentiers particulièrement sauvages, et dessine un balcon haut-perché sur la rive droite de la vallée du Var.

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Voici donc les réponses que j’ai pu glaner le long du chemin au cours de ces trois jours de marche et de ces deux bivouacs

La solitude. Pas de celle dont on souffre, mais au contraire celle dont on jouit (parce qu’il est bon et nécessaire de se déconnecter des autres et de se retrouver soi-même)

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La sensation permanente de planer très haut au-dessus de la vallée et des villages, qui vous rend léger, si léger, comme un oiseau (“J’avais la vérité posée sur les cheveux comme un oiseau et je tutoyais tous les anges” dixit Morice Bénin)

L’indicible beauté des lumières obliques de l’automne qui se jettent, coupantes, sur la dorure douce des alpages (j’espère que mes photos en auront capté quelques fulgurances)

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Le prodige éphémère des dernières fleurs et le miracle de l’ultime papillon bleu.

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L’immensité nocturne du cosmos qui nous rend à notre condition de poussière d’étoiles, et nous donne une grande leçon silencieuse d’humilité.

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Et enfin, au bout du chemin, la joie de retrouver à Villeplane un autre Perez – mon fils aîné. Prendre alors soudainement conscience qu’en marchant on sème parfois, sans s’en rendre compte, des graines fertiles…

28-30 Septembre 2016.