
Je t’ai rencontrée il y a 16 ans et ce fut un coup de foudre fulgurant. Tu n’avais pourtant rien d’autre à offrir à l’époque que ta beauté nue et tes horizons infinis accrochés au-dessus du vide. Ni eau, ni électricité, et les toilettes étaient un peu loin au bout du chemin. Mais la vue y était imprenable…
Je t’ai apportée ce que j’ai pu : de nombreux ami(e)s parmi lesquels un certain nombre de chats sauvages, mes maladroites convictions d’écolo (le solaire thermique, le photovoltaïque, et Arthur, le poêle de masse). Par contre, mes tentatives de jardinage n’ont jamais créé qu’un indescriptible fouillis végétal, d’où émergent cependant chaque année quelques roses magnifiques et à la vie dure (comme les femmes que j’aime).
Tu n’es qu’une simple maison, et je t’écris pourtant comme à un être aimé, aux côtés duquel on a parcouru un long bout de chemin amoureux. Mais « simple maison » ne te convient pas, et est même bêtement injuste : tu étais et tu es une ancienne chapelle de montagne, un de ces lieux où l’esprit étanche chaque jour qui passe sa soif de beauté et de sens.
Pourtant, je te quitte. C’est que la vie, ma vie, tourne. Tu auras été pour moi ma première maison. Celle qui m’a donné ici des racines, celle qui m’a attaché à jamais à la beauté de cette vallée du bout des Alpes qu’est le Val d’Entraunes.
Ma prochaine maison sera plus grande, plus généreuse, plus ouverte encore sur le ciel et sur les autres. N’aies pas peur ! Je ne suis pas devenu mégalo et elle ne s’appellera pas la Cathédrale comme toi la Chapelle. Simplement, je ne veux pas vieillir seul, mais entouré de mélèzes et de tous mes amis.
Merci à toi, petite chapelle, pour tout ce que tu m’as donné en partage…
