Tous les débuts ont une fin qui justifie les moyens…

Descendre à Nice est pour les habitants des hautes vallées une routine quasi-hebdomadaire, aussi fastidieuse qu’incontournable. Mais lorsqu’il s’agit d’un voyage, pour ce qui est devenu la première étape rituelle de mes départs, il était hors de question, vous vous en doutez, de sombrer dans cette sempiternelle banalité.

Voici donc comment faire de ce trajet monotone un début de voyage mémorable.

1°) partir bien avant le lever du jour pour retrouver ce plaisir issu du plus profond de mon enfance – à une époque où on circulait encore beaucoup à vélo dans nos campagnes – celui de rouler la nuit, quand la route et le paysage (qu’on connaît souvent par cœur) se réduisent aux quelques mètres chichement éclairés par le phare de nos deux roues. Autour, c’est un noir d’encre ou bien au contraire les éclairages fantomatiques et maléfiques jetés par la lune. A cette heure qui précède le petit jour, la route est déserte et nous appartient entièrement (plus question de la partager !!!). Elle devient comme un fil d’Ariane que l’on déroulerait en perdant tout repère et toute notion des distances. Ce matin, je suis donc parti à 5 heures de la maison pour me livrer à ce plaisir rare et enivrant. J’ai ainsi dévalé un Val d’Entraunes, réduit au seul faisceau lumineux de ma deux roues, descente étonnamment sereine, concentrée et silencieuse, troublée seulement par la vision fugitive d’une biche traversant en bonds gracieux juste devant moi. Se laisser happer et avaler par la route, c’est un beau programme de voyage, non ?

2°) se programmer un fabuleux lever de soleil, un incontournable des départs en vacances, au même titre que les couchers de soleil symbolisent la fin romantique des amours de l’été. J’ai eu de la chance : celui d’hier, au beau milieu des gorges rouges, m’a fait voir la vie tout en rose. …pendant quinze bonnes minutes !

3°) éviter bien évidemment le trajet routinier et les affres de la RN 202. Pour pouvoir descendre paisiblement la vallée du Var, je préfère attendre encore un peu qu’Estrosi ait définitivement liquidé notre petit train des Pignes et remplacé la voie ferrée par une voie verte à péage aussi rentable que son éco-vallée . Pour l’instant, il faut vaillamment se hisser jusqu’au col Saint Raphaël pour basculer dans le labyrinthe des merveilleuses petites routes de L’Estéron. Je crois avoir hier déniché la plus belle, car elle conduit directement jusqu’aux portes de St Laurent du Var, m’évitant ainsi cet insupportable pensum qu’est la piste cyclable de la plaine du Var longeant la zone industrielle de Carros pour déboucher ensuite au milieu de nulle part. La Penne, Cigale, Roquesteron, Conségudes, Bouyon, Le Broc, Carros : autant de magnifiques villages qui s’égrènent le long de routes sublimes en balcon. Un vrai régal, en dépit de la chaleur..

Au terme de cette première étape de la Carretera Austral (ah ! ah !) – 135 km tout de même- , mon rêve a commencé à s’incarner dans la réalité. En me donnant son plein de beauté, mais aussi en me donnant une petite leçon d’humilité : renonçant à mixer voyage à vélo et randonnée, je me suis délesté, arrivé à Nice, de mon sac à dos, de mes bâtons de marche, et de quelques autres bricoles (merci à mon assistante technique !). Le voyage, c’est aussi faire revenir son rêve sur terre…

Hasta pronto !