Un lendemain de fêtes bien arrosé (de Puerto Montt à Puyuhuapi)

Puerto Montt

Les averses ont commencé avant même d’atteindre Puerto Montt, et n’ont ensuite plus cessé jusqu’au soir. L’océan se cachait derrière un front de mer gris, bas et menaçant, et la ville elle-même, après ses excès de Noël, semblait aussi morte qu’une agglomération française un jour de 1er Mai. Fermé, l’immense centre commercial censé imposer sur la promenade modernité et prospérité, ne paraissait plus qu’une coquille vide et vaine.

Comme mon bateau ne partait que tard le soir, j’ai erré longuement en bord de mer, au milieu des SDF et des rares promeneurs, avant de me réfugier, comme tous les sans-logis, à l’abri providentiel de la gare routière. Le seul moment qui vint égayer cette longue et morne attente fut d’aller observer les otaries et les éléphants de mer. Nourris par les pêcheurs et les restaurateurs, ils font du gras sans état d’âme tout en assurant juste assez de figuration pour mériter leur pitance. Mais on se lasse bien vite du spectacle factice de cette semi-domestication, bien loin de la liberté sauvage et de sa beauté.

L’heure d’embarquer arrive enfin. C’est le soir de Noël. Nous sommes peu de passagers (mais j’ai néanmoins repéré deux collègues de Rossinante). Cela nous octroie le confort relatif mais réel de disposer chacun d’une banquette pour passer la nuit. Au réveil, c’est pour moi l’émerveillement renouvelé des montagnes quittant leurs habits de nuages pour plonger dans le scintillement de la mer.

Chaitén

Chaitén, un des points de départ de la Carretera Austral, n’est pas un port. Juste un ponton d’embarquement avec trois barques de pêche. Le village a un air de Far-West encore plus marqué que d’habitude au Chili : un quadrillage de rues plus larges que des autoroutes, comme si l’avenir devait un jour y accoucher d’une vraie ville. En réalité, le premier village, enseveli en 2008 sous les coulées de cendres et de boues du volcan qui le domine, a été reconstruit grâce à l’obstination de ses habitants, comme une revanche sur le passé et un pari sur le futur. D’où, aujourd’hui encore, sa démesure et son air de perpétuel chantier. Pour l’heure, il n’y a pas d’électricité. Qu’à cela ne tienne ! Ici, on est habitués à s’en sortir seuls et devant chaque maison tournent de petits groupes électrogènes. Ça ressemble encore plus au Far-West…

Je repère à l’entrée du Saloon les deux vélos entre-aperçus sur le bateau. Ce sont deux Hollandais. Ils m’apprennent que la Carretera Austral est coupée vers le Sud par un monstrueux glissement de terrain qui a emporté un village, Santa Lucia, et fait plus de vingt victimes. Du coup, voici Chaitén devenu un cul de sac au lieu d’être un point de départ. Mais la compagnie maritime vient de mettre en place gratuitement un ferry d’évacuation vers un petit port situé plus au Sud : Puerto Raúl Marin Balmaceda. Le soir même, nous embarquions pour une seconde nuit en ferry…

Puerto Raul Marin Balmaceda

Le bateau nous jette à six heures du matin sur un nouveau ponton, encore plus primitif que celui de la veille. Il fait à peine jour. Puerto Raul Marin Balmaceda est un vrai bout du monde patagon. A l’estuaire du Rio Palena, un fleuve large comme la Loire. Trois cent habitants recensés. Une nature exubérante et quasiment impénétrable. Une île reliée au reste du continent par un bac (pour traverser le fleuve), suivi de soixante quinze kilomètres d’une piste à peu près fréquentable, mais ceci depuis seulement 2009. Son parcours, sous une pluie fine et intermittente comme un crachin breton, fut pour moi un véritable enchantement. On ne pouvait faire mieux, comme préface à la Carretera Austral, que cette longue coulée grise se frayant un chemin entre la forêt vierge et les eaux ocre-jaunes du Rio. Un lieu, encore un, où j’aimerais beaucoup revenir me perdre quelques jours…

Puyuhuapi

Depuis La Junta jusqu’à Puyuhuapi, le village suivant sur la Carretera Austral, il n’y avait que quarante quatre kilomètres dont une quinzaine de ripio. Mais l’humeur du temps était à la douche froide. Je les ai donc parcourus d’une seule traite sous un déluge, histoire de savourer la Patagonie dans ce qu’elle offre de plus authentique : la pluie. Mes tendances paranoïaques m’avaient heureusement conduit à réserver une auberge avant de partir. A l’arrivée, cela n’avait plus rien d’un confort bourgeois superflu… Il n’est plus question en effet de camper et nombre d’hébergements sont encore fermés. L’Hostel Ludwig – le village de Puyuhuapi, en dépit de son nom, fut fondé en 1935 par des Allemands venus des Sudetes – affichait complet hier soir, et pas seulement parce qu’il est classé monument historique.

Demain, je poursuis mon chemin. Il faudra camper car le prochain village, la Villa Amengual, est à plus de quatre vingt cinq kilomètres (avec mille mètres de dénivelée). J’espère que l’annonce par la météo d’une amélioration pour le Premier de l’An ne sera pas une promesse électorale. Sinon, il reste, comme d’habitude, ma ferveur pour Sainte Rita ….et surtout ma joie profonde d’avancer le long de cette route mythique, déserte et magnifique qu’est la Carretera Austral.

Hasta pronto !

El Cruce andino (De Bariloche à Puerto Varas)

El Lago Nahuel Huapi (San Carlos de Bariloche)

En premier lieu, quitter l’hostal de San Carlos de Bariloche sur la pointe des pieds, avant six heures du matin, histoire de s’envoyer dès l’aube vingt-cinq petits kilomètres à vélo afin de gagner Puerto Pañuelo, point de départ de la première croisière. Et inutile de me plaindre : entre route déserte et lever de soleil sur le lac, ce ne fut que du bonheur.

En second lieu, s’apercevoir, en voyant deux autres cyclotouristes (un couple anglo-finlandais) embarquer pour la même galère, qu’on n’est pas le seul à cultiver le goût des itinéraires tordus. Outre que plus on est de fous, plus on s’amuse à bord, c’est toujours rassurant de vérifier qu’il existe sur la planète d’autres excentriques de votre espèce. Nous eûmes tout le loisir de sympathiser autour d’un café, d’autant que l’agence nous avait fixé rendez-vous à huit heures, pour finalement nous faire embarquer… une heure et demie plus tard.

Ensuite, une heure vingt de navigation sur le lac Nahuel Huapi pour rejoindre Puerto Blest. Ce fut exactement le temps qu’il fallut à la météo andine pour retourner sa veste et nous faire enfiler les nôtres. Puis un petit galop d’essai à vélo, suffisant pour nous débarbouiller à l’eau de pluie : trois kilomètres de piste en légère descente jusqu’aux eaux vertes du Lago Frias. Sa traversée en bateau est expédiée en une vingtaine de minutes. Sur l’autre rive, il faut, avant de repartir, sacrifier à deux rituels : celui, toujours émouvant, des adieux à la police argentine, et celui, incontournable, du recueillement devant la moto présumée de Che Guevara, célèbre pionnier du tourisme d’aventure en Amérique du Sud.

El Lago de Todos Los Santos (Peulla et Petrohue)

Ne reste plus ensuite qu’à avaler le plat du jour : vingt cinq kilomètres de piste et un petit col nous séparent du Chili et du troisième lac, celui de Todos Los Santos. Effectuer le parcours en un temps suffisant pour ne pas louper le troisième et dernier bateau est un pari que j’ai personnellement refusé, contrairement à mes acolytes, d’autant plus qu’il nous faut dans le même temps passer à travers les filets de la douane chilienne qui, c’est connu, traque impitoyablement les provisions de bouche des voyageurs à vélo.

Heureusement, le responsable de notre odyssée trans-frontaliere nous propose – ce qui n’était pas prévu initialement – de transporter nos bagages jusqu’au poste de douane de Peulla. Vus les cailloux de la piste, le degré d’humidité de l’air, et les deux cent mètres de dénivelée à surmonter, c’est un beau cadeau pour nous autres, évadés cyclistes. Il permettra à mes deux complices d’arriver juste à temps pour sauter à bord, en dépit d’une crevaison en cours de route. Ravi de voir passer trois cyclistes le même jour – un événement -, le douanier de Peulla laisse filer mes condisciples, ferme les yeux sur ma pomme, ma banane et mon yaourt, et pour faire durer le plaisir de ma présence, entreprend de me délivrer un certificat totalement inutile attestant que Rossinante est bien ma monture personnelle et non le fruit dissimulé d’une importation illégale de cycles teutons. Je m’en moque car l’homme est sympathique, plein de nostalgie pour sa ville (Valparaiso) et mon hôtel à seulement deux tours de roue…

D’ailleurs, cette halte d’une journée dans le hameau de Peulla, un petit bout du monde accessible seulement par bateau, restera pour moi comme un moment particulièrement paisible, une sorte de temps suspendu ou d’arrêt sur image au cours de mon itinérance. Je me suis promené le long du lac. La matinée, comme souvent ici, fut lumineuse. Entre les fleurs, les nuages et les cimes enneigées, c’était simplement beau, l’un de ces moments de grâce dont le printemps versatile nous réserve parfois la fugace surprise.

De plus, bien qu’ayant réservé dans le plus humble des deux hôtels de Peulla, je me suis retrouvé dans un véritable palace, la direction ayant décidé de regrouper son trop peu de clients dans l’établissement le plus luxueux. Je me suis donc endormi ce soir-là les doigts de pied en éventail dans le vaste lit « king size » d’une chambre elle-même sur-dimensionnée, trahissant ainsi sans la moindre vergogne toutes les aspirations révolutionnaires du Che, et ce pour un simple zeste de confort capitaliste…

Rassurez-vous cependant. Je suis revenu au camping prolétarien dès la nuit suivante, au terme de ma dernière traversée lacustre, celle, sous des nuées sombres et grandioses, du Lago de Todos Los Santos. Le camping de Petrohue affichant officiellement une fermeture pour travaux, je me vis même acculé aux plaisirs délicieusement coupables du camping sauvage et clandestin, seul sur le rivage, niché dans les arbres. Bercée par les gouttes de pluie et les rafales du vent sur ma petite tente, cette nuit sur la rive du lac fut encore plus exquise que la précédente…

El Lago Llanquihue (Puerto Varas)

Première déconvenue : du dernier lac, le Lago Llanquihue, et du volcan Osorno qui s’y mire en rêvant d’être le Fujiyama, je n’ai pratiquement rien vu. J’ai en effet parcouru hier la soixantaine de kilomètres qui me séparaient de Puerto Varas, poursuivi par une nuée de giboulées jouant malicieusement avec les éclaircies et leurs faux espoirs de beau temps.

Deuxième déception, l’auberge de jeunesse de Puerto Varas a beau jouxter sur les hauteurs les quatre étoiles du Radisson, elle ne pratique pas avec son voisin le principe révolutionnaire du nivellement par le haut, comme les hôtels de Peulla. Et puis j’ai beau fréquenté assidûment ce type d’hébergement, cela ne semble pas avoir l’effet escompté sur mon rajeunissement. D’ailleurs, le jeune gardien, sans doute effrayé d’avoir un vieillard de mon âge sous sa responsabilité, m’a mis en garde à plusieurs reprises contre la raideur de l’escalier qui dessert la petite mansarde où l’on m’a gentiment remisé.

En bref, c’est ma traditionnelle déprime de Noel. Ceci dit, je dois bien en convenir, la traversée de cette région des lacs, au Chili comme en Argentine, fut un pur régal que j’aurai sans doute le loisir de savourer rétrospectivement au cours des longues et dures semaines qui m’attendent en Patagonie.

Le promeneur des lacs (De Villarica à San Carlos de Bariloche)

El Lago de Calafquen (Coñaripe)

Cette courte étape n’a curieusement réellement commencé pour moi qu’au moment où je suis arrivé à son terme, Coñaripe, une petite station balnéaire située sur les rives du lac de Calafquen. La position GPS de l’hostal étant fausse, j’errais en désespoir de cause le long de l’avenue principale jusqu’au moment où je finis par me faire repérer par les gérants des lieux. Une grande et vieille maison de bois, toute en escaliers qui craquent et en recoins. Un jardin un peu fou tout autour. Mais surtout une ambiance où tout se partage spontanément et où l’on se sent immédiatement comme chez soi. Clara, son compagnon et leur « maison bleue adossée à la colline » furent ma première belle rencontre sur le tour des lacs.

El Lago Pirihuelco (Puerto Fuy)

Ce fut une longue, belle et chaude étape, avec des vues splendides sur les lacs Calafquen et Panguipulli. Elle s’acheva dans le petit village de Puerto Fuy, au bord d’un autre lac, celui de Pirihuelco. La route s’achève ici. Le lendemain, elle se poursuivra en bateau, mais auparavant, quelques réflexions sur Puerto Fuy.

Toute la région est aujourd’hui une réserve naturelle privée, gérée par une « fondation » en principe à but non lucratif. C’est la réserva biologica de Huilo Huilo. A première (et courte) vue, on devrait se féliciter d’une telle initiative, visant à la fois la protection du milieu et un développement touristique respectueux de l’environnement. Le problème, c’est que dans la réalité, ces nobles intentions ont accouché d’un ensemble immobilier de plusieurs hôtels de luxe et d’un camping, c’est à dire d’une sorte de grand Club Méd pour classes moyennes supérieures, soigneusement implanté d’ailleurs à distance du village. Quant au recours massif, dans ces constructions, aux rondins et au bois en général (coupé dans la réserve, m’ont dit les habitants), il y ressemble bien davantage à du « green washing » d’ambiance qu’à de la véritable architecture bio-climatique…

Le village de Puerto Fuy lui-même n’est, comme souvent ici, que l’alignement autour de quelques rues en terre, de maisons disparates et souvent de guingois. Pour ma part, j’ai poussé la porte d’une auberge, l’hostal San Giovanni. Elle ne payait pas vraiment de mine, mais elle était ouverte – j’étais donc sûr d’y trouver le gîte et le couvert – et il commençait à se faire tard. J’étais le seul touriste. Les autres pensionnaires étaient tous des ouvriers, chiliens ou haïtiens, travaillant sur des chantiers alentour. La douche était froide. L’accueil de la patronne presque autant. Mais la soupe était chaude et généreuse et je n’en demandais pas plus. Le lendemain matin (le bateau ne partait que vers midi), j’avais cependant réussi, en usant de tout mon charme et surtout à force de questions sur son village, à attendrir la chef d’établissement : au moment du départ, elle m’offrit spontanément un café accompagné de quelques biscuits.

A ce moment-là, j’ai pensé que le vrai développement local, c’eût été d’aider – pour un budget sans doute dix fois moindre – cette femme et les autres habitants du village à mettre aux normes leurs chambres d’auberge et leurs petites « cabañas” de location, plutôt que de créer hors-sol des équipements pharaoniques. Mais c’est sans doute ce qui sépare les écologies de droite et de gauche…

Los Lagos Nonthue y Lacar (San Martin de Los Andes)

Le lendemain, nous étions peu nombreux à attendre sur l’embarcadère le ferry de Pirihuelco. J’y papotais tranquillement avec deux jeunes qui avaient la bonne idée de proposer sur le quai beignets et café. C’est alors que, quinze minutes avant l’embarquement et sans paraître s’en faire plus que ça (il n’y a pourtant qu’un seul ferry par jour ) sont arrivés deux voyageurs à vélo, Dominique et Raimon, la première venue de Suisse, le second de Catalogne. Nous avons sympathisé à bord du bateau, pendant qu’il glissait sur le lac comme si nous remontions un fjord d’Alaska, sous un ciel bas et plombé, troué de fulgurantes et splendides percées de soleil.

Nous avons pris congé en descendant du bateau. Nous nous sommes rattrapés dix kilomètres plus loin aux contrôles (débonnaires) des postes frontière chilien et argentin. Mais surtout, nous nous sommes retrouvés, quelques kilomètres plus loin encore, attablés ensemble sur la terrasse d’une auberge, l’hostería Hua Hum, presque aussi improbable sur cette route que l’Auberge des Aiguilles sur celle du Col des Champs (ceci est une publicité gratuite!). Une immense bâtisse dans un endroit splendide, avançant son fragile quai de bois sur les eaux du lac Nonthue, à mi-chemin entre le restaurant pour touristes de passage et le refuge de montagne. Il nous restait quarante à cinquante kilomètres de ripió pour rejoindre San Martin de Los Andes. Nous avons convenu que l’heure était trop tardive et qu’il valait mieux passer la nuit sur place. Mes deux lascars, désargentés, ont même réussi à convaincre les employées de leur accorder la gratuité – c’est tout dire de l’ambiance plutôt cool qui régnait dans l’établissement. Le lendemain, nous nous sommes rattrapés – dépassés à plusieurs reprises. Et le soir, à San Martin, mes compagnons de route m’ont invité à partager un asado dans leur camping (tout terrain digne de ce nom propose ici un barbecue par emplacement) . Dominique et Raimon furent ma seconde belle rencontre sur le tour des lacs…

El Lago Falkner (la Ruta de Los Siete Lagos)

C’est à San Martin de Los Andes que j’ai renoué avec mes amours argentines, je veux dire par là que j’y ai retrouvé, deux mille kilomètres plus au Sud, la célèbre RN 40, la « Cuarenta”. Elle s’affiche même, entre San Martin et San Carlos de Bariloche, sous un autre nom, encore plus affriolant, la Ruta de Los Siete Lagos. Les deux premiers jours, jusqu’à La Villa Angostura, furent un enchantement, et le dernier un cauchemar… Dès le moment, en effet, où l’on rejoint la route trans-frontalière reliant Osorno (Chili) et Neuquen (Argentine), on renoue d’un seul coup avec une chaussée étroite en même temps qu’avec un flux automobile multiplié par trois.

L’enchantement. Le camping sur lequel je comptais, sur les rives du lac Falkner, est manifestement à l’abandon. Nous ne sommes que deux à l’utiliser, un camping-car argentin et moi-même. Nous aurons vite fait de faire connaissance, Mario, Liliana et moi, tant et si bien que nous passerons la soirée autour d’une bonne bouteille, à contempler les eaux du lac s’endormir paisiblement, enlacées dans les bras des montagnes. Toute cette nuit-là, la porte de ma petite tente restera grande ouverte sur les yeux brillants des étoiles, sur la robe à paillettes de la Voie lactée et sur le miroir du lac… Finalement c’est juste pour vivre quelques moments comme celui-là que l’on voyage.

Le cauchemar. Nous sommes Samedi. Ça circule à tout va. Camions et autocars me rasent de près et me mettent les nerfs à vif. Il pleut par giboulées glaciales. Le vent s’est relevé de ses ruines et témoigne d’une belle fraîcheur. J’avale les 80 kilomètres sans un arrêt, par rage, par désespoir, par peur de prendre froid ou de finir à la rubrique des chats et des cyclistes écrasés. Parvenu à Bariloche avec une journée d’avance, il me faut démarcher ensuite pas moins de 6 pensions avant de pouvoir trouver un lit… C’est aussi pour des moments comme celui-là que l’on voyage. Ça vous force à vivre.

El Lago Nahuel Huapi (San Carlos de Bariloche)

C’est ici la croisée des chemins. Je dois choisir : soit, route classique, poursuivre plein Sud en Argentine sur la RN 40, soit me lancer le long d’un itinéraire bien plus compliqué, retournant au Chili pour gagner Puerto Montt et traversant en bateau trois lacs successifs. C’est bien sûr, vous vous en doutez, cette solution, plus originale, plus tordue, et surtout interdite aux voitures, que j’ai finalement retenue.

Le temps de la mettre en place, il s’est passé quelques jours dans cette ville dédiée entièrement au tourisme qu’est Bariloche. Le temps de m’y lier avec un jeune couple aussi attachant qu’atypique, lui, Français, elle, Italienne, tous les deux vivant en Australie… Le temps aussi de changer les freins de Rossinante, après plus de 4000 kilomètres parcourus sans histoires, et avant qu’elle ne finisse par peter un câble…