Adieu à la Patagonie (Puerto Montt)

C’était le 25 Décembre, le jour de Noël. Je suis arrivé à vélo, après une vingtaine de kilomètres depuis Puerto Varas. Le temps était gris lugubre. La ville, Puerto Montt, morte, déserte et passablement moche. J’étais anxieux. Le soir, j’allais embarquer sur un ferry pour une contrée étrange à la réputation terrible : la Patagonie. C’était l’une de ces journées de transit, indéfinissables, qui n’en finissent plus de s’étirer et qui ponctuent de temps à autre nos voyages sans y laisser d’autres souvenirs que celui d’une attente indécise, d’un entre-deux aventures, deux pays, deux modes de vie, deux histoires.

Nous sommes le 23 Mars. Je suis arrivé à vélo, après une quinzaine de kilomètres. En raison de la marée, le ferry a en effet dû nous débarquer ce matin loin de la ville. Le temps est gris lugubre, mais semble étonnamment doux lorsqu’on revient de Patagonie. La ville, Puerto Montt, n’est plus déserte, mais largement aussi moche. Je ne suis plus anxieux. Mais j’ai la même impression étrange de flotter entre deux mondes. Les quatre jours en bateau de Puerto Natales jusqu’à Puerto Montt étaient d’ailleurs à mi-chemin entre le trajet en ferry et la mini-croisière, entre l’univers du voyage et celui du tourisme.

Et tout au long de ces lentes journées de navigation en huis-clos (nous étions une centaine à bord), je me suis laissé dériver entre trois langues et trois petits groupes – français, espagnol et anglais, (ce dernier me servant surtout, curieusement, à échanger avec des Allemands!). Cela peut paraître anodin, mais je suis fier et heureux de cette capacité d’ouverture en même temps que de cette indépendance personnelle, loin d’être évidentes surtout lorsqu’on peut se blottir frileusement au sein de ses compatriotes et de sa langue maternelle.

Pour le reste, ce voyage retour aura été, comme je le souhaitais, une lente transition. L’une de ces parenthèses suspendues dans le temps qui permettent de retrouver ses esprits, ou du moins de revenir vers une vie plus sociable, moins tendue par la volonté obscure et tenace du nomade de poursuivre toujours un but, fut-ce un fantasme.

Le Pacifique n’a fait le dos creux qu’une quinzaine d’heures, juste histoire de montrer qu’il porte mal son nom, en tout cas sous ces latitudes. J’ai rêvé sur ma couchette qu’une grande balançoire m’affranchissait délicieusement des contraintes de la pesanteur, dans un lent mouvement sans fin. J’ai beaucoup lu – en Espagnol -, retrouvant le plaisir de voyager non plus à coups de pédales, mais immobile, par mots et merveilles. Je me suis même reconverti dans le plus studieux des étudiants, suivant deux fois plutôt qu’une chacune des conférences (données alternativement en Anglais et en Espagnol). Au terme de ces deux versions, j’arrivais à comprendre les deux tiers de leur contenu et nul doute que si une troisième avait suivi – en Français bien sûr – je n’eusse tout saisi !

Ainsi, de Puerto Natales à Puerto Montt, ai-je pris doucement le large de la Patagonie, mettant fin à nos amours tumultueuses de l’été…

16 réflexions sur « Adieu à la Patagonie (Puerto Montt) »

    1. Je suis certain que non. Ce qui me définit le mieux, c’est le déchirement des contraires. Je me sens aussi farouchement attaché à ma vallée et à ma tanière que viscéralement nomade et voyageur. ..
      Je t’embrasse

      1. Le déchirement des contraires, c’est épuisant! Courir les routes en minibus, faire partager tes découvertes, et te voilà heureux ! la même jubilation que s’escrimer à vélo sur les routes impossibles de la Patagonie ! et nous faire cadeau de tant de belles photos …
        Et si ta vallée était l’étape qui permet à nouveau le départ ? Poursuis ton chemin Paquito, il te va si bien !
        je t’embrasse.

  1. Précision:(qui n était peut être pas nécessaire pour un esprit aussi brillant!!)
    Le déchirement des contraires…mais après reflexion impulsive,la jubilation du déchirement des contraires..
    A tout de suite..ou presque!!
    Très très cordialement !!

  2. c est déchirant un adieu…
    merci Paquito de tes mots
    de tes merveilleuses photos
    de ce partage si beau!

    bon retour dans ta chère demeure
    et dans les bras de ceux que tu aimes…

  3. Bonsoir Paquito
    Te voilà au bout du bout de ton périple………..et du coup, il va nous manquer ce que nous nous étions habitués à lire sur notre machine: « Les aventures du Petit Chaperon Vert ».
    Toutefois, c’est quand même un soulagement que de te savoir « intact » et plein d’énergie pour retrouver « ta montagne ».
    Sache que pour nous , la « tribu estenchonne » le plaisir sera grand de te revoir bientôt au « Serre ».
    Bises de nous tous.
    Les Bellone

    1. Des voisins comme vous, il faut vraiment faire le tour de la terre pour en trouver. La preuve : je vais bientôt revenir à Estenc. Jérémie et Brigitte ont même réussi à extraire ma bagnole du garage, paraît-il….

  4. Salut mon ami
    J’ai du mal à accepter de ne bientôt plus te lire mais pour prochainement te retrouver tu m’auras (nous aura) fait rêver merci d’avoir su si bien faire partager ce voyage .
    Bises Paquito
    Brovelli jean pierre

  5. Je crois que c’est dans la Route Bleue de Kenneth White qu’il y a cette citation de je ne sais plus qui (excusez mes carences litteraires!):

    « Nous qui avons tant d’espace et si peu de temps,
    faisons nous nomades… »

    Mais je ne sais meme plus si c’etait vraiment dans ce livre…
    Allez donc y voir, ils viennent de le re-publier:
    lemotetlereste.com/litteratures/laroutebleuepoche/

  6. Tiens puisque j’ai a nouveau le livre sous la main, apres une trentaine d’annees (et en re-edition poche)…je corrige le tir…meme si tu en seras surement le seul a en beneficier:

    « Nous qui avons tellement d’espace et si peu de temps, nous nous ferons nomades »…
    c’est bien en preface de LA ROUTE BLEUE de Kenneth White…
    et c’est de Annie Lebrun
    …et j’ignore ce qu’elle a ecrit a part ces mots qui m’avaient plus quand je les avais lus!

    Bon vent donc…

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