Le vieux navire échoué à Ushuaia

 Rien ne symbolise mieux le bout du monde que ce vieux navire fourbu venu s’échouer sur le rivage d’Ushuaia. Je me sens un peu comme lui : en attente, plongé dans un voyage devenu temporairement immobile, et presque aussi rongé par mon mal de dos que ce vieux rafiot par la rouille.

J’ai fait (et parfois refait) toutes les randonnées possibles autour d’Ushuaia, les parcourant lentement, m’arrêtant longuement pour admirer les arbres, les mousses, les fleurs et les oiseaux. Les premières fois ne se répètent pas. Ce n’est plus tant la grandeur des paysages – ces montagnes enneigées qui plongent dans la mer – qui m’émeut, que les arbres entrelacés dans la pénombre des sous-bois, la vivacité affairée des oiseaux, l’étonnante magie colorée des lichens et des fleurs (nous sommes ici comme début Juillet chez nous).

La plupart des visiteurs ne restant pas à Ushuaia plus de deux ou trois jours, je vis ce temps suspendu comme un luxe inouï. Il laisse le temps de la contemplation aussi bien que celui des rencontres. Ainsi ai-je retrouvé ici aussi bien mes deux Américains que Carine, cette Française rencontrée à Puerto Williams. « Perdre son temps » est un art que notre époque obsédée par la vitesse et la productivité méprise à tort. Et si action et contemplation, loin d’être opposées, s’avéraient  complémentaires ?

 

20 réflexions sur « Le vieux navire échoué à Ushuaia »

  1. non on ne perd jamais son temps a contempler
    admirer ….sentir avec la nature….la magie de l ‘instant ça procure tant de bien…….profites petit chaperon vert……..respire__et aimes profondement.

    merci pour ce bout du monde Paquito………..

  2. Prendre ton temps sans le perdre, c’est ce que tu sembles savoir tricoter. Bravo à toi ! J’espère que tu as dompté ton mal de dos. Anny qui te lis toujours avec plaisir.

  3. Tricoter la contemplation et la rencontre, deux merveilleuses choses si complémentaires en effet…. merveilleuses photos accompagnantes de ce « laisser être » – Merci Paquito <3 – Mimi Fox

  4. Dans un tout autre univers, je découvre ici à Maurice l’art de prendre son temps (maintenant que je suis à la retraite) et je n’ai vraiment pas l’impression de le perdre, bien au contraire …quelle belle découverte !!
    Merci pour tes magnifiques photos, continue de nous faire rêver et prends soin de toi

  5. Bonjour Paquito ! En ce dernier jour de l’année, je viens passer un petit moment avec vous… De savoir que vous avez une crise de sciatique m’a presque rassurée… D’avoir suivi votre périple avec Rossinante, je vous croyais inoxydable, et ça me fichait des complexes alors que dans le même temps j’étais atteinte de petites misères diverses et variées, généreux cadeaux de l’âge… Il est vrai que je ne suis guère sportive et que mon corps me le rappelle douloureusement de temps en temps. Ah le corps, cette mécanique extraordinaire que l’on connaît si peu finalement et dont on abuse souvent !… En ces temps fort troublés vos messages poétiques et imagés font du bien même s’ils donnent un peu de nostalgie, celle des paradis terrestres de l’enfance, avant que la connaissance ne viennent les détruire un par un, hélas… J’ai eu pendant très longtemps une phrase panacée en réponse à toutes les plaintes que la vie suggère et je la répétais inlassablement à mes enfants et à mon entourage : « la vie est belle ! Il faut aimer la vie pour qu’elle vous aime… ». Plus le temps passe et plus j’ai du mal à la seriner… sauf lorsque je me retrouve dans la nature sauvage comme vous l’êtes en ce moment. Alors profitez-en bien, rechargez vos batteries grâce à elle et essayez de trouver une paire de mains qui apaise cette vilaine douleur et vous fasse oublier le temps, ce temps que nous partageons en tranches pour nous rassurer devant son éternité insaisissable. Au fond, cette vilaine douleur n’est peut-être là que pour vous rappeler que vous êtes vivant et que c’est un vrai cadeau, la vie !… Portez-vous mieux et savourez chaque seconde et peu importe le numéro que l’on donne à l’année puisque nous ne sommes rien d’autre que de la poussière d’étoile devant l’éternité. Bien amicalement à vous…

    1. Chère Michelle
      Merci de votre réponse. Heureusement, même lorsqu’on en a plein le dos (aussi bien de la marche du monde que de sa propre carcasse), il reste toujours un soupçon de beauté à capter et une rencontre humaine à découvrir. C’est en tout cas ce que j’essaye de faire…
      Je vous souhaite avec quelques heures d’avance une excellente année

  6. Te comparer au vieux rafiot échouer à Ushwaia, voilà un coup de blues ! Ta sciatique a toujours fini par te quitter ! alors, courage ! et qu’attends-tu donc sur ces terres que les autres arpentent au pas de course ? sans être indiscrète , bien sûr !
    S’il y a autre chose que des plantes et des oiseaux, nous ferais-tu quelques beaux portraits de ces gens croisés furtivement ou le temps d’un échange ?
    Un belle année commence ! quelle chance !
    Bises

    1. J’y cherche comme toujours des espaces où la nature paraît encore vierge. J’y cherche des rencontres avec des voyageurs comme moi, en rupture de ban et à la recherche de la beauté et de la fraternité. Une utopie, certes. Mais il est permis de rêver

  7. Qu’il est doux de contempler.. et ce n’est sûrement pas ne rien faire. S’abreuver de beau. Merci infiniment de tout ce partage, je t’embrasse forté

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